L’éveil des 5 sens – Petits Frères des Pauvres

L’éveil des 5 sens … Une crêpe au rhum qui fait revenir le sourire. Deux chiens qui se blottissent et réveillent des souvenirs d’enfance. Un piano qui entre dans le salon et une phrase chuchotée :

« Si j’avais pu applaudir, j’aurais applaudi ».

Suite à l’appel à projets en 2023 de la CSPHF, le projet de l’éveil des 5 sens des Petits Frères des Pauvres dans le Cambrésis a été financé.

Dans le Cambrésis, certaines personnes âgées ne sortent plus de chez elles. Leur quotidien est rythmé par la maladie, la solitude et le temps qui s’étire. Pour elles, les bénévoles des Petits Frères des Pauvres viennent chaque semaine. Grâce au soutien financier de la CSPHF, ils ont pu aller plus loin : réveiller les 5 sens en soins palliatifs pour raviver la mémoire, apaiser et redonner de la couleur aux journées.

Éveil des 5 sens, un projet né d’un besoin

L’idée a germé lors d’un constat : en unité de soins palliatifs, les patients peuvent bénéficier de socio-esthétique, de musicothérapie, d’aromathérapie, … mais à domicile, ces offres sont rares, voire inexistantes.

Pendant le Covid-19, quelques bénévoles et salariés avaient déjà été sensibilisés aux 5 sens lors d’une conférence. En 2024, les « planètes s’alignent » : l’équipe de Cambrai est plus nombreuse, motivée et peut enfin lancer ce projet ambitieux grâce au financement de la CSPHF.

L’équipe locale des Petits Frères des Pauvres -association nationale reconnue d’utilité publique- se consacre à un accompagnement spécifique des personnes gravement malades, en fin de vie à domicile et en établissement. L’équipe du Cambrésis est composée de bénévoles formés et encadrés par une salariée et coordinatrice à temps plein, Hélène, en lien avec les partenaires du territoire.

Des instants qui marquent

Chez Jeanne*, l’odeur sucrée d’un Paris-Brest flotte dans la cuisine. Le gâteau a été choisi par elle, préparé et partagé avec son binôme de bénévoles. Les bouchées s’accompagnent d’histoires, de rires, de silences doux.

Dans une autre maison, deux chiens s’installent au bord du lit. Les mains hésitantes se posent sur le pelage, les caresses reviennent, le corps se détend.

« Les chiens, c’était magnifique … on sent qu’on a besoin de leur contact », confie la personne accompagnée.

Chez Marie-Paul*, une musicienne installe son piano. Les premières notes font lever les yeux, puis naissent des murmures, parfois des chansons entières et les émotions s’intensifient.

« Si j’avais pu applaudir, j’aurais applaudi », dira-t-elle après ce mini-concert.

Pour d’autres, ce sera un voyage immobile grâce au casque de réalité virtuelle (VR) : revoir la mer, une rue de leur village, un paysage aimé… ou encore, feuilleter ensemble de beaux livres d’images, retrouver des couleurs, des formes familières.

*Prénoms modifiés

Le regard des bénévoles

Lors de l’interview, 3 bénévoles étaient présents : Nathalie, Arlette et Patrick. Tous les 3 accompagnent régulièrement des personnes dans le Cambrésis. En entendant ces récits, ils ont partagé leurs propres émotions : l’éclat d’un sourire retrouvé, la simplicité d’un gâteau partagé, la force d’un chien qui apaise, ou encore la magie d’une chanson qui rassemble. Leur conviction commune : ces instants sensoriels redonnent vie, même dans les moments les plus fragiles.

Portraits croisés

Nathalie et le piano : engagée depuis plusieurs années, Nathalie accompagne deux personnes à domicile. Elle raconte avec émotion le jour où une dame, d’ordinaire silencieuse, a levé les yeux et a souri en entendant un morceau joué au piano. « Le temps de la musique, elle était ailleurs », se souvient Nathalie.
Arlette et le Paris-Brest : investie et pleine de douceur, Arlette aime rappeler que « même un gâteau peut devenir une fête ». Elle garde en mémoire ce goûter autour d’un Paris-Brest choisi par la personne accompagnée elle-même. Entre 2 bouchées, les rires et les confidences se sont invités, transformant un après-midi ordinaire en moment de partage.
Patrick et la présence : bénévole depuis 2016 et responsable de l’équipe locale, Patrick a vu l’effet immédiat de la médiation animale. Le simple contact d’un chien contre une main tremblante a suffi à apaiser et à ouvrir la conversation. Pour lui, ce projet confirme que « l’écoute et la présence suffisent parfois à transformer une journée ».

Un projet sur-mesure

Chaque sens est choisi avec la personne accompagnée, en tenant compte de sa santé et de ses envies. Le casque VR est remplacé par un album photo si nécessaire. Les odeurs sont proposées avec prudence, certaines étant difficiles à reconnaître. Le but n’est pas la performance, mais l’instant de plaisir, l’échange, le souvenir qui s’allume.

Les bénévoles interviennent toujours en binôme, à domicile ou en établissement. Leur rôle : être présents, écouter, créer un moment qui sort de l’ordinaire. Ils sont formés, accompagnés par un psychologue lors de groupes d’échanges et orientés par les orientés par les partenaires du territoire.

Ce que la CSPHF a rendu possible

Le financement a permis :

L’achat de matériel sensoriel : casque VR, livres, kits d’odeurs
La venue de prestataires : médiation animale, musique à domicile
Les goûters personnalisés : ingrédients, vaisselle, organisation
La logistique et la formation des bénévoles

Des effets qui durent

Un sourire qui reste en mémoire. Une phrase répétée des semaines plus tard : « Vous vous souvenez des chiens ? ». Des chansons fredonnées à nouveau, des conversations qui reprennent, parfois après un long silence.

Pour les bénévoles aussi, le projet est une bouffée d’oxygène : un temps à trois, différent de l’accompagnement habituel, qui resserre le lien avec la personne isolée.

Et maintenant ?

Devant ces retours positifs, le projet serait reconduit l’an prochain. Les goûters, la musique, la médiation animale et la VR resteront dans la « boîte à outils » des bénévoles. De nouveaux partenariats locaux seront recherchés pour toucher encore plus de personnes isolées.